L’Alimentation, un bien public, pas une marchandise

La sous-alimentation, en Afrique ou ailleurs, n’est pas une fatalité

Ce texte vous est proposé par Survie Languedoc-Roussillon.

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Un milliard d’humains sous-alimentés

Sur les 7 milliards d’êtres humains qui en 2013 peuplent notre planète, 1 milliard souffre de sous-alimentation.
Chaque année 6 millions d’enfants de moins de dix ans meurent de faim.
14 % de l’humanité souffre de la faim mais en Afrique sub-saharienne, c’est un tiers de la population qui est concernée par la sous-alimentation.
Pourtant, l’agriculture mondiale a actuellement les moyens de nourrir 12 milliards de personnes.

Pouvoir se nourrir est un droit

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH, 10 décembre 1948) affirme le droit à l’alimentation.
Et la Déclaration de Vienne (25 juin 1993) demande aux Etats de ne pas s’opposer à la réalisation des droits énoncés dans la DUDH, dont la santé et l’alimentation.
Des déclarations malheureusement fort peu suivies d’effet.

L’alimentation doit être gérée en tant que bien public

Lorsque l’homme vivait de cueillette et de chasse, il lui suffisait d’utiliser les ressources de la nature pour se nourrir. Celles-ci n’appartenaient pas à quelques uns mais à tous. Elles constituaient un bien public de l’humanité.
La naissance de l’agriculture a permis d’améliorer l’alimentation, de lui assurer une plus grande régularité et une plus grande diversité. Cette évolution ne change rien au fait que les ressources de la nature appartiennent à tous les hommes.
En se construisant, les sociétés ont organisé la production alimentaire et sa répartition. Cela de façon plus ou moins équitable.
Survie considère que l’alimentation, comme l’air, l’eau, le sol…, est un bien public de l’humanité. Un bien public parce qu’il doit appartenir à tous, à l’état de ressource naturelle, mais aussi à l’état de bien construit par l’activité humaine en société : quelle que soit l’organisation de la production agricole, de la transformation agro-alimentaire, de la distribution alimentaire, le résultat doit être que chaque être humain mange à sa faim.
L’alimentation des êtres humains doit être un bien public, partagé équitablement, et non une source d’enrichissement de certains au détriment des autres.

La colonisation reste d’actualité

La confiscation du bien public alimentation s’est souvent reproduite dans l’histoire des peuples. Par l’asservissement des paysans à l’aristocratie puis à la bourgeoisie.
La colonisation a développé, en Afrique notamment, des cultures de rente destinées à être exportées vers la métropole : café, cacao, sucre, banane, ananas…
Une partie importante de l’agriculture africaine reste orientée vers les cultures d’exportation, aux dépens de l’agriculture vivrière, dont les populations locales ont besoin pour se nourrir. De nombreux petits paysans pratiquent aussi ces cultures d’exportation ; mais la plus-value en est accaparée par les sociétés qui exportent, transforment et distribuent ces produits.

Les entraves à l’alimentation

Un certain nombre de raisons font que l’accès des peuples à l’alimentation est entravé : les petits paysans ont souvent difficilement accès à la terre parce que les grands domaines se l’approprient.
Ces grands domaines sont aux mains des descendants des colons (par exemple en Afrique du Sud), des élites au pouvoir (Zimbabwe), de sociétés minières, d’Etats étrangers et des sociétés multinationales un peu partout en Afrique.
L’eau est souvent confisquée au profit de grands projets privés (exemple au Mali) ou des sociétés minières.
Les petits paysans, par ailleurs, ont du mal à accéder à la formation, à l’appui technique, aux fruits de la recherche, parce que les Etats n’ont pas de politique publique de développement agricole et parce que la recherche est souvent aux mains de firmes privées.
Ils n’ont pas non plus accès au minimum de moyens techniques (à commencer par la traction animale) qui leur permettraient d’obtenir des rendements corrects.

Une économie mondialisée tournée vers le profit

L’ordre économique mondial décourage les petits producteurs de produire des cultures vivrières.
Les plans d’ajustement structurel, ordonnés à partir des années 1980 par les institutions financières internationales (Banque Mondiale, FMI), ont obligé les pays en voie de développement à privilégier le remboursement de la dette aux détriment des dépenses sociales (santé, éducation, agriculture, transport). Ils ont en même temps poussé les Etats à promouvoir l’économie privée, les décourageant d’avoir des politiques agricoles publiques.
Plus récemment, l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), en impulsant la réduction des barrières douanières, a favorisé les exportations (agricoles notamment) des pays riches vers les pays pauvres. Le « prix mondial » a découragé les paysans africains et autres de vendre leur production sur les marchés : avec des coûts de production souvent dix fois plus élevés que ceux des pays riches, ils ne sauraient être compétitifs sur un marché ouvert.
Mais la règle du jeu est biaisée : les Etats-Unis comme l’Europe (à travers la Pac, Politique agricole commune) ont subventionné leur agriculture pour lui permettre d’exporter (ces subventions, bien que réduites, persistent en 2013).
La règle des pays riches, c’est « libéralisez votre économie pendant que nous protégeons la nôtre ».
Ils la mettent actuellement en pratique à travers les APE (Accords de Partenariat Economique) que l’UE impose aux pays d’Afrique.

La faim : pas un problème de production mais de partage

La faim n’est pas essentiellement un problème de sous-production, de sécheresse ou d’infertilité des terres agricoles. C’est avant tout un problème de partage des ressources naturelles et de loyauté des échanges commerciaux.
La logique de l’agro-industrie, qui consiste à produire toujours plus quitte à détruire l’environnement, ne vise pas à satisfaire les besoins alimentaires mais à procurer du profit aux grandes exploitations, aux fournisseurs de semences, d’engrais, de produits chimiques, de machines, au négoce et à l’industrie agro-alimentaire.
L’agro-industrie prétend « nourrir le monde ». Ceux qui souffrent de la faim (majoritairement des familles paysannes) n’ont pas les moyens d’acheter ces produits alimentaires.
En vendant ses produits (à prix cassés grâce aux subventions) aux populations urbaines des pays en développement, l’agro-industrie rend impossible le développement de la production paysanne locale.
Par ailleurs, une part croissante de la production agricole mondiale n’est pas destinée à nourrir des humains mais à produire des agrocarburants.
La France participe à ce système mondial. Elle a une voix dans toutes les instances internationales qui imposent ce système économique. De plus, la complicité entre responsables politiques français et africains et sociétés multinationales aggrave cette logique de mainmise sur la terre, de développement de l’agro-industrie capitaliste et d’iniquité des échanges commerciaux, aux dépens du revenu des petits paysans et de l’alimentation des populations.

Propositions pour que chaque habitant de la planète ait les moyens de se nourrir

La souveraineté alimentaire de tous passe par :
Des politiques publiques
Pour s’épanouir, l’agriculture a besoin de soutiens publics, de politiques publiques. C’est le système de développement agricole que nous avons en France, aux Etats-Unis, mais que les institutions financières internationales interdisent aux pays du tiers monde.
Des moyens de développement
Les moyens à mettre en oeuvre : recherche, formation, conseil technique, accès aux semences, fertilisants, outils, crédit, moyens de communication, structures de transformation, de stockage et de commercialisation…
Et souvent, pour commencer, une réforme agraire.
Un modèle agricole conforme aux besoins des paysans
« L’important, ce n’est pas une production de masse mais la production par les masses », disait Gandhi.
L’agriculture familiale, celle qui nourrit les populations, est le type d’agriculture le plus à la portée des paysans et celui qui respecte le plus les ressources biologiques, donc le plus viable à long terme.
Il s’appuie sur la mise en valeur des pratiques agronomiques et savoir-faire locaux.
Un contrôle citoyen des moyens de production
L’organisation des agriculteurs en associations, syndicats, coopératives est un facteur clef du développement agricole.
Elle favorise son orientation dans l’intérêt public et non vers les intérêts privés.
L’organisation des marchés au niveau national
Sans organisation du marché, la production est toujours à la merci de la spéculation et de la concurrence.
Il est nécessaire de réguler les importations et les exportations, de gérer l’offre et les stocks, d’avoir des outils de gestion de crise…
Et au niveau interrégional
Des marchés communs régionaux, avec les incitations et les protections nécessaires, favoriseraient les échanges et le développement.
La démocratie mondiale
Replacer Banque Mondiale, FMI et OMC sous le contrôle de l’Onu pour leur redonner un fonctionnement démocratique.
Mettre en place, au sein de l’OMC, un commerce international juste, en accordant « l’exception agricole » aux pays en développement  pour leur permettre de protéger leur agriculture, de lui apporter les soutiens publics nécessaires et lui accorder l’accès aux marchés des pays riches.

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Sur le thème de l’alimentation, lire la présentation de « La Faim, pourquoi ?« , de François de Ravignan.



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